L'Ankou
Personnage clef des légendes bretonnes, l'Ankou est la
personnification et l'artisan de la mort (oberour ar maro). On
le représente comme un squelette drapé d'un linceul et
portant une faux à la lame retournée qu'il affûte
avec un os humain, ou comme un homme grand et mince au visage
dissimulé sous un chapeau large, tenant lui aussi une faux. Il
se déplace sur une charette bruyante où il entasse les
morts qu'il à fauchés. Pour effrayer les vivants, ils
entasse des pierres dans sa charrette afin de la rendre encore plus
bruyante.
On raconte que le dernier mort de l'année dans chaque paroisse
devient à son tour l'Ankou pour l'année en cours. Si une
année, l'Ankou est très actif, on dit de lui: "Heman
zo eun Anko drouk" (Celui ci est un Ankou méchant).
Il n'est pas fondamentalement mauvais, et il lui arrive d'aider les
vivants (généralement en les prévenant de leur
mort afin qu'ils mettent leurs affaires en ordre avant de mourir),
mais c'est un artisan consciencieux, et sa présence est
généralement néfaste pour les vivants.
LE CHAR DE LA MORT
C'était un soir, en juin, dans le temps qu'on laisse les chevaux dehors toute la nuit. Un jeune homme de Trézélan était allé conduire les siens aux prés. Comme il s'en revenait en sifflant, dans la claire nuit, car il y avait grande lune, il entendit venir à l'encontre de lui, par le chemin, une charrette dont l'essieu mal graissé faisait: Wik ! wik ! Il ne douta pas que ce fût karriguel ann Ankou (la charrette de la mort). - A la bonne heure, se dit-il, je vais donc voir enfin de mes propres yeux cette charrette dont on parle tant ! Et il escalada le fossé où il se cacha dans une touffe de noisetiers. De là, il pouvait voir sans être vu. La charrette approchait. Elle était traînée par trois chevaux blancs attelés en flèche. Deux hommes l'accompagnaient, tous deux vêtus de noir et coiffés de feutres aux larges bords. L'un d'eux conduisait par la bride le cheval de tête, l'autre se tenait debout l'avant du char. Comme le char arrivait en face de la touffe de noisetiers où se dissimulait le jeune homme, l'essieu eu un craquement sec. - Arrête ! dit l'homme de la voiture à celui qui menait les chevaux. Celui-ci cria: Ho ! et tout l'équipage fit halte. - La cheville de l'essieu vient de casser, reprit l'Ankou. Va couper de quoi en faire une neuve à la touffe de noisetier que voici. - Je suis perdu ! pensa le jeune homme qui déplorait bien fort en ce moment son indiscrète curiosité. Il n'en fut cependant pas puni sur-le-champ. Le charretier coupa une branche, la tailla, l'introduisit dans l'essieu, et, cela fait, les chevaux se remirent en marche. Le jeune homme put rentrer chez lui sain et sauf, mais, vers le matin, une fièvre inconnue le prit, et le jour suivant, on l'enterrait. |
Conté par Françoise Omnès de Bégard,
et recueilli par Anatole Le Braz
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